Un jour, lors d’une entrevue sur tapis rouge au Festival international du film de Toronto, Jude Law m’a chuchoté à l’oreille.  Je n’ai absolument rien compris de ses propos.  Non pas que son accent britannique soit trop prononcé, j’ai tout simplement perdu tous mes moyens en sentant son souffle dans mon oreille.  Les jambes m’ont presque lâchée alors imaginez ma concentration.  Je ne saurai jamais s’il m’a révélé un secret sur son film, fait un compliment sur ma robe ou simplement dit que j’avais un morceau de brocoli entre les dents. Mais ces tous petits moments qui bousculent notre corps sont d’une beauté infinie.  

On a tous vécu de ces moments épidermiques où simplement frôler la main de quelqu’un ou sentir son souffle dans notre nuque nous faisait chavirer. Bien que tous les sens fassent partie des préliminaires, le toucher reste le roi d’entre tous.  Si les sens servent à nous donner de l’information sur le monde extérieur,  ils sont aussi créateurs d’émotions.   

Je me souviens d’une très jolie robe que je refusais de porter pour aller à l’école parce que le tissu m’irritait. Devoir endurer ce supplice me rendait dingue.  Je me rappelle aussi du soyeux chandail en cachemire d’un amoureux dans lequel j’adorais me blottir. On sous-estime souvent le pouvoir des textures sur notre bien-être.  Je crois qu’il est primordial d’être attentif à tous les petits et grands bonheur qui nous entourent pour améliorer notre quotidien. 

En cuisine, les meilleurs chefs savent jouer avec les textures autant qu’avec les saveurs et les couleurs. Par leurs créations, il cherchent à nous faire vivre une aventure;  qu’il s’agisse de la douceur de la crème qui fond dans notre bouche, de la surprise d’une bille de caviar qui explose entre nos dents, du petit piquant qui fait chauffer notre nez ou du sablé qui exfolie notre langue. Pour mieux ressentir les effets, il s’agit de fermer les yeux. On coupe un sens pour donner plus de pouvoir à un autre. 

L’expérience se vit à fond dans un restaurant comme chez O Noir (Montréal et Toronto) où on mange dans l’obscurité totale, servis par des non-voyants. Le summum de la « blind date », quoi ! La noirceur nous oblige à bouger et manipuler avec plus d’attention et de précaution. Non seulement on découvre la nourriture différemment, mais il n’est pas rare d’effleurer des doigts en cherchant son verre ou un morceau de pain. Ça donne lieu à des moments à la fois amusants et « touchants ». 

Et pourquoi ne pas mettre en scène ces expériences culinaires à la maison, en compagnie de l’élu(e) de notre coeur ? Sortez vos vêtements en cachemire, hydratez bien vos mains, armez-vous de douceur et prenez le temps de savourer. Il y a beaucoup à lire dans la réaction musculaire et dans la respiration de l’autre. Apprenez à écouter les gestes. Frissons garantis.

*Note :  Avec l’Halloween qui approche, j’avais envie de vous faire frémir un brin. Mais la situation actuelle liée à la COVID-19 brouille quelques peu les plans. Le restaurant O Noir est présentement fermé. Célibataires, vous avez présentement « droit » à un invité à la maison, à condition que ce soit toujours le même.

** Note 2 : Le champagne  et moins salissant que le vin rouge en cas de maladresse. 😉