Le sport et l’activité physique sont souvent pratiqués dans l’unique but d’atteindre un corps, une image corporelle bien précise. On s’attend avec la pratique de l’activité physique à obtenir des « résultats ». Avoir de bonnes habitudes de vie, c’est limiter la sédentarité et adopter des comportements actifs. Ce n’est pas avoir un corps mince. Seuls les préjugés et les raccourcis mentaux induisent qu’une personne grosse est une personne qui ne fait pas de sport et/ou qui ne mange pas sainement.

Dans ma pratique, à titre de kinésiologue, je cherche à amener mes client à adopter de saines habitudes de vie par la pratique d’activités physiques, à les sensibiliser aux facteurs de risque des maladies cardio-vasculaires qui représentent la deuxième cause de mortalité après le cancer et la première cause d’hospitalisation au Canada[1]

Or, il existe plusieurs facteurs de risque aux maladies cardio-vasculaires qualifiés de modifiables tels que l’obésité et le tour de taille. Or, le sont-ils vraiment ? En d’autres termes, avons-nous le plein contrôle sur ces facteurs de risque ? Ce préjugé quant au poids corporel et à son contrôle mène à la stigmatisation des personnes vivant dans un corps gros et corrompt l’idée de l’activité physique. En d’autres termes, il existe des idées préconçues et des raccourcis mentaux qui affectent les personnes grosses et cette grossophobie, c’est-à-dire l’ensemble des attitudes et des comportements hostiles ou discriminatoires à l’encontre des personnes grosses, nuit grandement à l’attitude des individus quant à l’activité physique.  

Le corps mince est perçu comme un gage de santé et de réussite dans la société contemporaine. Le corps gros ou large est quant à lui associé à l’échec moral et l’incapacité de se contrôler. Ainsi, il existe une stigmatisation et une discrimination associées au poids corporel et ces dernières ont un impact non seulement sur la santé physique, mais également psychologique. 

En effet, dans son livre La vie en gros, Mickaël Bergeron rapporte des situations subies par les personnes grosses dans leur quotidien : « Entrer dans une boutique de vêtements et se faire dire, avec condescendance : « On ne sert pas les grosses ici. » Être jugé.e par la caissière d’un restaurant après avoir passé sa commande. Se faire interpeller sur Facebook par des entreprises qui vendent des beach body. Se faire haranguer par un fonctionnaire de l’aide sociale à propos de l’importance de bouger et de perdre du poids. Une maman qui propose à son fils d’aller acheter du linge dans une boutique pour des gens « comme lui ». Un père qui empêche son garçon d’être en bedaine parce que ça lui fait honte. […] Se faire offrir par sa tante 100 dollars si l’on réussit à perdre 20 livres, à 12 ans. […] Avoir peur de revoir des ami.e.s parce qu’on a pris du poids. […] Tous les jours, ou presque, un commentaire, un geste ou une norme quelconque vient rappeler aux personnes grosses qu’elles sont des parias, des êtres indésirables et problématiques »[2].

Avec des situations d’une telle violence, il n’est pas surprenant qu’il y ait une obsession pour le poids et l’image corporelle. Personne ne veut être la cible de ce genre de commentaires. En effet, ces comportements hostiles et l’obsession du corps mince ne font qu’exacerber les problèmes de santé puisqu’ils entrainent un stress et un mal-être supplémentaire quant à l’image corporelle.  Or, des études empiriques ont démontré que l’obésité est une condition médicale complexe et qu’elle possède les mêmes déterminants (c’est-à-dire génétiques et environnementales) que des maladies telles que le cancer[3]. Ainsi, si perdre du poids ne consistait qu’en une simple formule mathématique (dépenser plus de calories qu’on en ingère), personne ne vivrait dans un corps gros. 

Ceci étant dit, il existe une diversité corporelle dans notre société et il serait bénéfique pour la santé de tous que cette dernière soit embrassée. Une représentation plus réaliste et plus diversifiée des corps dans les médias sociaux, les publicités, les films, etc. pourrait contribuer à limiter la discrimination systématique envers les personnes grosses. Faire de l’activité physique, c’est libérateur et agréable. 


[1] Agence de la santé publique du Canada. (2017). Les maladies du cœur au Canada. 

[2] Ollivier, M. l. (2001). Violences ordinaires. La vie, en gros. Paris, T. Magnier.

[3] Flint, S. W. (2019). « Addressing weight stigma: a timely call. » The Lancet. Public health 4(7): e322.