Je reviens d’un superbe road trip de 2600 kilomètres sur la Côte-Nord. Un périple qui m’a fait accumuler les heures passées sur la route, les pas dans des sentiers de randonnée, quelques coups de pédale et une horde de grandioses paysages. Des rencontres aussi, de gens qui ont embelli mon voyage et qui sont venus reconfirmer que tout est là, dans la rencontre de l’autre.
Le besoin d’aller vers l’autre
C’est dans le stationnement du joli sentier pédestre de la Fascine de Ragueneau que j’ai rencontré MamieLyne et Pierre Meilleur. C’était un matin tout doux, le premier de ce voyage qui allait nous mener au-delà du 50e parallèle. Stationnée juste à côté de notre minivan Le Baroudeur dans laquelle nous allions passer les dix prochaines nuits, se trouvait celle – bien luxueuse – d’un couple qui devait être un peu plus jeune que mes parents.
C’est la connivence du moyen de transport et des voyages qui nous a d’abord fait nous parler. Nous avons discuté et comparé nos bolides, nos itinéraires et nos provenances, puis avons rapidement échangé des rires à travers nos nombreux points communs de bourlingueurs. Les confidences sont venues tout bonnement et sont nées d’un sujet tout simple : un des gins de la région. Car c’est une sorte de pèlerinage que faisaient MamieLyne et son amoureux depuis l’Outaouais, le long de la 138. Une promesse faite à elle-même en plein cœur du récent confinement alors que certains soirs, elle se trempait les lèvres dans le gin Noirkotié d’Havre-Saint-Pierre afin d’apaiser les fins de journées difficiles.
Les yeux dans l’eau, MamieLyne m’a parlé de son père de 91 ans qui venait tout juste d’entrer dans un foyer quand la pandémie a été déclarée et de son décès après avoir été l’un des premiers à contracter la (foutue) COVID. J’ai été touchée qu’elle me fasse assez confiance pour me partager un moment sa douleur comme cela, debout, en plein milieu d’un stationnement.
Son beau sourire est revenu aussitôt qu’elle m’a parlé de la naissance de son petit-fils Éli peu de temps après la mort de son père, insistant positivement sur la beauté du cycle de la vie. Ce petit-fils qu’elle a d’abord rencontré virtuellement avant de pouvoir – enfin, récemment – le prendre dans ses bras tout chauds de grand-maman.
Aucun hasard
Je ne crois pas que les rencontres que l’on fait soient fortuites. Je ne vois donc pas comme un hasard ma rencontre avec ce beau couple de voyageurs alors qu’il entreprenait cette « boucle de confinement » chargée de significations.
Si je n’ai pas pu faire d’accolade à MamieLyne lorsque nous nous sommes quittés, je sais qu’elle savait que dans ces bouteilles de la région que nous leur avons offertes se trouvaient toute l’empathie et la chaleur humaine du monde.
Les gens, les inconnus, se confient souvent à moi. Peut-être par déformation professionnelle de journaliste, mais assurément aussi parce que je porte un réel intérêt aux autres à leurs histoires, je leur pose parfois LA question qui les fait s’ouvrir, se confier, partager.
J’aime à croire que c’est mon envie – mon besoin même – d’aller vers les autres qui les font se sentir à l’aise et désireux de me révéler leurs histoires. J’aime aussi penser que cette propension à m’intéresser réellement à l’autre me vient de mon amour du voyage.
Sur les routes du monde comme sur celles de mon propre pays – de mon incroyable province ! -, je ne compte plus les histoires de vie que l’on m’a racontées, les joies partagées, les peines et les déceptions murmurées, les rêves évoqués et les amours relatées. Des fragments de vie qui, selon moi, mériteraient tous de se retrouver dans un ou quelques livres qui meubleraient les plus intéressantes et émouvantes des bibliothèques.
Le long de la route 138, comme balayés par le vent frais de la Côte-Nord, il y a eu la rencontre d’Enrico et de Nico les passionnés de produits du terroir charlevoisien, d’alcool et de houblon de chez Menaud, les discussions avec Madeleine et Léonard qui nous ont permis de poser notre minivan devant leur maison le temps d’une nuit de repos et de rires à Pointe-Parent et un moment tout en poésie à parler d’amour et de liberté avec l’un des fils-artistes de Gilles Vigneault dans un atelier de Natashquan.
Il y a eu aussi, des tas de sourires, de bonjours bien sentis, d’intérêt partagé liés à la route, aux arrêts, à la destination et au voyage au grand complet. En voyage, les rencontres me remuent autant que la beauté des paysages. Et quand, soudainement, les deux sont comme magiquement réunis, il me semble alors que tout soudainement ait plus de sens.
Merci.
Oui, un simple merci mais qui se veut tout aussi reconnaissant que votre texte est inspirant.
Continuez svp.
Let it be❣️
C’est beau !
Et donne le gout de partir vers la cote Nord !
! Bravo !
Therese
Merci Sarah. J’ai vécu 19 ans à Baie-Comeau et vos récits sur la 138 me rappelle la beauté de cette vaste région. Avez-vous remarqué les magnifiques ponts? Quand j’y vivais, j’étais ingénieur civil, travaillant sur l’inspection et l’entretien de ces magnifiques ouvrages d’art. Imaginez-moi prendre une pause au bord d’une des si nombreuses et impressionnantes rivières à saumon, à manger mon lunch. Je me suis toujours sentie privilégiée de faire mon métier dans un si beau décor. J’ai aussi eu la chance d’oeuvrer dans notre Grand-Nord, le Nunavik, dans les villages inuit le long des baies d’Hudson et d’Ungava. Vous aimeriez. Vos photos évoquent le bonheur et la paix. Merci.