J’avais convenu de parler ici de mes destinations coups de coeur au Québec, de mini périples dans ma belle province, d’activités de plein air, de nature et de voyages à la rencontre de notre chez-nous. Je le ferai, promis, mais aujourd’hui, c’est la liberté d’y pédaler que j’ai envie de célébrer. Le bonheur de prendre la route pour mieux respirer, oublier un instant toutes les pandémies de la Terre et avoir – c’est cliché, mais si vrai – à nouveau le cœur léger. Mon vélo de route, le tout premier, je me le suis procuré en pleine tempête, en plein cœur de la pandémie. Revenue in extremis de la Tunisie le 12 mars, je me trouvais déjà en quarantaine lorsque le confinement a été déclaré, réduisant ainsi quasi à néant mes espoirs de liberté à retrouver. Mon confinement se compose d’un avant et d’un après achat de vélo. Un vélo comme une acquisition substantielle en des temps pourtant difficiles, mais le meilleur investissement qui pouvait être. Le bonheur et la liberté sur deux roues qui n’ont pas de prix.
Être en mouvement pour trouver le vent de l’inspiration
J’ai écrit ce texte en roulant. Au rythme des coups de pédale, j’ai composé sans même y penser ce récit prenant vie dans ma tête au fil de la route et des kilomètres. J’aurais aimé pouvoir enregistrer mes pensées alors que je faisais mienne cette belle route lisse fendant les forêts de Lanaudière. Je n’ai jamais eu autant d’inspiration que lorsque je pédale, mes pensées comme poussées par le vent. C’est là, entre Saint-Didace et Saint-Alexis-des-Monts, que j’ai eu LE déclic, la réalisation de ce que le vélo pouvait créer, faire vivre et rendre plus doux. Parce qu’il m’aura (malheureusement) fallu une pandémie pour comprendre que rouler peut, littéralement, changer la vie.
En quarantaine, je rêvais beaucoup de courir, moi qui ne suis pourtant pas une grande coureuse. Puis, les publications photo et vidéo d’amis cyclistes ont fait naître une autre forme d’espoir. L’espoir de pouvoir sortir à nouveau de chez moi et de rouler, simplement rouler, pour tout oublier.
COVID oblige, j’ai acheté mon vélo par téléphone sans pouvoir le voir, l’essayer ni même le faire positionner adéquatement. On m’a remis, du bout des doigts et à l’extérieur de la boutique, mon précieux et mes nouveaux accessoires. Je suis repartie en me sentant comme lorsque je suis en train de tomber en amour : heureuse, confuse, pleine de questions et incertaine de savoir être à la hauteur. Ce vélo, je l’ai apprivoisé, comme un homme nouveau dans une vie accoutumée aux nuits de solitude. J’ai parfois mal compris ce qu’il tentait de me dire parce que nous ne parlions pas, à la base, le même langage. Je n’avais jamais porté de clips, ne possédait aucun cuissard, j’étais cette cycliste novice portée par un seul désir : me déplacer. Peu m’importait la destination, la vitesse ou le nombre de kilomètres, il me fallait rouler. Moi qui à vélo avais toujours été dans la contemplation, c’est de mouvement dont j’avais besoin. Pour me sentir libre et vivante. Bouger et vivre, comme avant. Je me suis mise à rêver du moment historique où l’on aura collectivement enfin compris l’essentiel de la vie. La métaphore mobile d’une époque révolue et d’une immense confusion transformée en espoir de jours meilleurs. En attendant, je donnerais tout pour vivre, de manière quotidienne, l’esprit et le cœur aussi légers que lorsque je roule à vélo.
Je suis retournée depuis à la boutique où je me le suis procuré. La COVID nous laissant souffler un moment, on a pris le temps de l’ajuster enfin à mon corps légèrement meurtri d’avoir accumulé les kilomètres la selle trop basse, les clics mal ajustés, les bras bien trop fléchis… Je suis ressortie de ce rendez-vous émue, comme si pour moi cela voulait dire que le pire était derrière moi. Derrière nous. J’étais déjà la plus heureuse des filles sur mon vélo mal ajusté, mes prochaines sorties ne pourront qu’être encore plus exceptionnelles. En attendant, la voyageuse que je suis et qui aura eu besoin d’une pandémie pour la forcer à rester un moment au pays sourie. Et à tous ceux qui, depuis des mois, me soufflent que « ça doit être tellement difficile de ne plus pouvoir voyager !», je continuerai de répondre chaque fois et avec un sourire véritable : « Ça va, j’ai mon vélo ».
jaimerai bien partager des rides avec toi