La rédaction de la chronique « La rencontre de soi et des autres » m’invite, autant que vous chers lecteurs, à réfléchir, à prendre le temps de me déposer pour reconnaître « où j’en suis sur ce chemin de la rencontre de soi et des autres ». D’une certaine manière, cette écriture témoigne du propos que je vais aborder aujourd’hui, soit la nécessaire alternance entre « rentrer en soi » et les actions posées pour « sortir de soi ». Ces actions peuvent donner naissance à des rencontres signifiantes, des hasards nécessaires dans notre vie.
Nourrir sa vie intérieure par des moments de solitude, de réflexions, de lectures, d’écriture, ou en s’engageant dans des activités qui nous passionnent, nous permet de se développer, d’apprendre, et même, de se dépasser. Le mouvement peut être fluide ou plus difficile entre ces moments d’intériorité et ceux où l’on se pousse à oser sortir de sa zone de confort pour aller vers l’extérieur. La gêne, la timidité, le manque de confiance en soi, une faible estime de soi, la crainte des réactions et des jugements d’autrui, en fait tout ce qui nourrit notre petite voix intérieure critique, peuvent nous habiter et inhiber le mouvement. Car tout comme « sortir de chez soi », « sortir de soi » est une mise au défi de soi-même et nous confronte au monde réel. Nos pensées, nos croyances, nos émotions, nos valeurs, notre vision du monde sont partagées, revisitées, reconnues, validées, parfois même confrontées, critiquées ou invalidées. C’est ainsi que rencontrer l’autre nous permet de se connaître soi-même en réaffirmant pour soi, au fil des échanges et devant le regard de l’autre ce qui est important dans notre propre vie.
Prendre un risque. Sortir de chez soi, c’est prendre un risque. On peut vivre un beau moment, mais il est aussi possible d’en ressortir avec des sentiments mitigés d’une rencontre plus ou moins satisfaisante, voire même vivre un moment de violence interactionnelle. Par exemple, se sentir dénigré.e, rejeté.e, mésestimé.e. Néanmoins, je crois qu’il n’y a pas de vaines rencontres. Les apprentissages qu’on en tire sont utiles, car ils contribuent à qui nous devenons. Ainsi, chaque rencontre nous apprend quelque chose sur nous-même, sur la vie, et inspire les rencontres subséquentes.
Pour certains.es, participer aux événements proposés par des participants de RencontreSportive.com constitue déjà une prise de risque. En effet, se joindre à un groupe de personnes, dont plusieurs participants se connaissent déjà, peut être diablement intimidant. Toutefois, par l’entremise d’une activité sportive ou sociale, les contacts sont facilités, le plaisir est au rendez-vous. Il devient de plus en plus facile, non seulement de sortir de chez soi, mais aussi de sortir de soi. Ces rencontres peuvent même être une grande source d’énergie. Bowling, randonnée, patinage, ski de fond, ski alpin, vélo, les possibilités sont nombreuses; il suffit d’un premier pas. Par exemple, j’ai récemment participé à une soirée billard. Je n’avais pas joué au billard depuis une décennie. J’ai pu voir le doigté avec lequel certaines personnes me conseillaient. Et j’ai beaucoup ri, choisissant de ne pas prendre le chemin d’une blessure à mon amour-propre devant ma grande maladresse.
Quel « risque » avez-vous pris récemment ? Comment vous sentiez-vous avant, pendant et après ? Qu’est-ce que vous avez appris sur vous-même de cette expérience ? Qu’avez-vous appris sur l’autre ? Et si vous n’avez pas osé, quel risque aimeriez-vous prendre maintenant ?
Ôter le masque. En fait, comment peut-on sortir de soi ? Il s’agit ici d’ôter notre masque. On a tous un peu tendance, particulièrement lors des premiers moments d’une rencontre, à se révéler sous notre meilleur jour. Ce faisant, on entretient une certaine distance avec l’autre et, paradoxalement, on retarde la véritable rencontre. En effet, en ne se dévoilant pas, l’interaction reste plus superficielle et il n’y a pas ou peu de connexion qui se tisse. Si se révéler dans ses vulnérabilités est important, on doit le faire avec pudeur. Il ne s’agit pas de déballer toute son histoire ou son pedigree dès les premiers échanges, ce qui peut être envahissant et même rébarbatif. Il s’agit plutôt d’être honnête, d’abord avec soi-même et aussi avec l’autre. L’honnêteté avec soi-même exige de connaître ses peurs, d’être conscient.e de ses mécanismes de protection, des manières que l’on peut tenter de saboter un amour naissant. Par exemple, celui ou celle qui se relève d’une rupture difficile peut craindre d’être blessé.e. Des comportements de mise à distance pourraient être adoptés pour freiner l’attachement, ce qui risquerait de faire survenir la rupture appréhendée.
Pour d’autres, certains dévoilements font surgir des sentiments tels la compassion ou l’admiration et précipitent la création de liens. Ainsi, une femme pourra être touchée par un homme qui s’engage dans son rôle de père. À l’inverse, un homme pourra admirer une femme qui est soucieuse du bien-être de ses enfants. Pour une autre personne, la souffrance évoquée par un.e proche aidant.e ou quelqu’un qui se remet d’un deuil récent résonnera et suscitera une connexion.
Est-ce difficile ou facile pour vous de partager des points de vulnérabilité ? Que confiez-vous plus facilement ? Qu’est-ce qui est plus difficile à partager ? Avez-vous déjà eu l’impression de vous être trop dévoilé ? d’avoir été trop ouvert ? ou d’avoir été trop sur vos gardes ? Y-a-t-il des confidences qui vous rendent inconfortables ? Comment réagissez-vous si une personne partage trop ? Qu’est ce qui est « trop » ? Êtes-vous capable de le dire ? En pensant à des rencontres que vous avez faites avec des personnes qui sont devenus.es des amis.es ou des amoureux.ses, quel a été le moment du déclic ? Y-a-t-il un thème qui résonne particulièrement en vous ?
Prêt.e, pas prêt.e, j’y vais. Il est tentant de vouloir attendre d’être « vraiment prêt.e » pour oser passer à l’action. N’est-ce pas ce genre d’attitude que l’on adopte au travail : « attendre d’avoir toutes les données et les habiletés avant d’agir » ? Je suis coupable d’avoir tenu ces propos : « je ne suis pas prête ». Alors, comment être prêt.e ? Paradoxalement, c’est souvent dans la solitude que se prépare la rencontre. Les moments où l’on rêve, imagine, se projette dans cette rencontre nous permettent de mieux nous connaître et d’apprivoiser nos aspirations. Ce mouvement d’entrer en soi nous prépare à sortir de soi en étant plus confiant.e, solide et ouvert.e à accueillir les différences de l’autre et à révéler les nôtres. En ce sens, la visualisation n’est pas utile uniquement pour préparer des champions olympiques. Elle nous apprend à être dans le moment présent, à ouvrir notre cœur et notre esprit pour accueillir ce qui se présente à nous.
Est-il facile ou au contraire difficile pour vous d’accueillir l’incertitude des premiers échanges et d’être dans le moment présent ?
En conclusion. Pépin1 suggère deux mantras: « Vas-y et bouge » et « Vois et apprends à accueillir ce qui se présente, ou non » (p.146). Sortir de soi, c’est accueillir la rencontre avec tout ce qu’elle porte d’incertitudes, mais aussi de richesse et d’apprentissages. Aucune rencontre n’est en soi un échec, car elle porte les graines de la prochaine. Ainsi, vous vous reconnaîtrez quand vos chemins se croiseront.
Références.
- Pépin. C. (2021) La rencontre. Une philosophie. Paris. Allary Éditions.