La persévérance, Martine Marois connaît ça. Ce n’est pas la maladie cœliaque, des soucis financiers ou des défis professionnels qui empêcheraient l’athlète de 45 ans d’aller toujours plus loin, plus haut. Rencontre avec l’ultra-marathonienne de 45 ans, première québécoise à avoir complété le Tor des géants.
En 2002, pendant ces études en kinésiologie, elle devait courir 20 minutes en continu mais en était incapable. Elle a persevéré.
« À l’époque, je suis passé de 20 minutes à 30, puis à 45, puis à 1 heure, puis à courir 4 fois par semaine un 10km sur route. Ensuite, un prof m’a invité à m’inscrire au demi-marathon de Montréal; j’avais 6 semaines devant moi pour modifier mon entraînement consacré jusqu’alors au 10km. Ça m’effrayait mais il voyait ma force mentale vis-à-vis des défis et avait confiance. » Fière de son accomplissement, Martine n’a pas le temps de voir la poussière retomber que ce même prof l’incite à s’inscrire à un marathon. « Je trouvais déjà le demi-marathon trop long, mais finalement j’ai enfilé le marathon de Montréal et celui de Rimouski, puis, plusieurs demis tout le long de mon parcours universitaire ».
Son mode de vie, graduellement, changeait. En 2013, s’amorce un nouveau virage alors que, pour le groupe Esprit de corps, elle est entraîneuse pour un défi associé à une levée de fonds qui consiste à courir à relais de Montréal à New York.
« J’ai aussi fait Toronto-Beloeil, puis Toronto-Trois-Rivières, puis, à la suite de ça, la course en sentier est entrée dans ma vie. » Là, on parle d’une vraie révélation pour elle qui se sent davantage comme une alpine, une fille de plein air qu’une athlète sur route. « Avec mon chum, on s’inscrit au 80 km Harricana pour notre première course en sentier en 2014. Ensuite on tente le 100 km du Mont-Albert, puis le 125 km d’Harricana. » Un chemin parsemé aussi d’abandons, appelons ça des courses où elle apprend, où elle peaufine sa méthode, ajuste sa direction et finalement, des courses qui la motivent à viser toujours plus haut. « La plupart de mes abandons étaient liés à une fatigue extrême dû, finalement, à la maladie qu’on ignorait alors. »
Avec son gabarit et ses 165 livres, Martine ne possède pas le « kit habituel » des ultra-marathonienne, mais ce corps la sert plutôt très bien depuis qu’elle le connaît mieux.
« Je traînais une ancre à bateau, comme si l’âme de la fille que je suis n’était pas dans le bon corps. J’ai consulté et à partir du moment où j’ai été diagnostiqué pour la maladie de cœliaque, là, on a compris et on a organisé les choses en conséquence. Depuis, j’ai plein d’énergie, c’était même très surprenant au début! En fait, je suis toujours en mode solution, chez-moi, il n’y a pas de place pour le découragement. »
Aujourd’hui, elle a toujours dans sa mire le Tor des Glaciers, une épreuve de 450 kilomètres dans les Alpes italiennes, et dans son rétroviseur, le Tor des Géants (330 km, 24 000 mètres de dénivelé), l’ultra-trail Harricana, quelques marathons et bien d’autres épreuves de course d’endurance. Si l’expérience et la capacité « du mental » à affronter tout ça est bien au rendez-vous, qu’en est-il du corps lorsque celui-ci enfile les défis flirtant la démesure?
« Si j’évoluais dans un contexte professionnel avec tous les moyens pour me consacrer entièrement à ma passion, c’est certain que je ferais plusieurs ultras dans une année. Un corps bien préparé, estime-t-elle, peut encaisser énormément. Et mes proches, enfants (elle en a trois), conjoint, famille, amis, m’ont toujours encouragé dans ma démarche. »
Le Tor des Glaciers, c’est 32 000 mètres de dénivelé positif (50 fois le Mont-Tremblant environ), à faire en un délai maximal de 190 heures. Martine en rêve et tout son parcours s’aligne pour s’y frotter plus tôt que tard.
« N’eut été de la COVID, j’allais cette année prendre le départ pour une troisième fois au Tor des Géants. Je l’ai complété en 2019 après l’avoir abandonné au 192è km en 2018, dans un état second, affamé et complètement déshydratée. Avant mon premier Tor, ma dernière course accomplie était un 80 km!» Toute cette incroyable et riche expérience semble, en quelque sorte, être un exercice pour le Tor des Glaciers. Mais elle tenait à s’améliorer pour cette troisième expérience dans la Vallée de l’Aoste.
Pour 2020, elle comptait retirer 17h à son chrono de 2019. Est-ce réaliste?
« Je connais le parcours par cœur, mon plan de nutrition est beaucoup mieux, et je vois comment, en étant bien entourée, je pourrais retirer beaucoup de minutes. »
Martine relativise beaucoup l’aspect compétitif ou performant de son chemin
« Nous sommes surtout dans l’expérience de nos courses. Je suis dans le défi, le dépassement de soi. Dans les courses, je suis plus du genre à parler à tout le monde que celui à tout écraser sous son passage pour 10 secondes. »
Faire un ultra-marathon avec les contraintes de la maladie cœliaque (allergie au gluten) implique son lot de contraintes, mais tout est possible.
« J’ai un sac de ravito de plus à ma disposition, mais je voyage plus lourd (4-5 livres de plus que les autres au départ) comme je ne peux pas prendre aucune des barres disponibles sur les tables des stations d’aide. Ça demande plus d’organisation et un bon plan nutritionnel. En travaillant avec des professionnels de la nutrition, j’ai appris à éviter, entre autres, les problèmes d’hallucinations bien connus des athlètes, à me sentir bien et à maximiser mon énergie pour développer mon plein potentiel. Il n’était pas question que je passe à côté de ce genre d’épreuves à cause de mes particularités. »
En ce moment ambassadrice pour l’édition virtuelle du Défi Everest qui aura lieu en septembre, Martine, maintenant soutenue par la marque Arctéryx, est sur une superbe lancée qu’à peu près rien ne pourrait arrêter. Et si on lui enlevait la possibilité de courir dans la vie?
« Ça ne changerait rien au fond. Je mettrais la même énergie sur autre chose qui me ferait vibrer. Je ferais d’autres défis sportifs, je viserais encore d’autres sommets. J’irais grimper, tiens, avec quelqu’un comme Nathalie Fortin qui est toute une inspiration. » Quand les gens inspirants en citent d’autres…Il n’y a pas à dire, le corps de Martine a finalement su accueillir son âme au bénéfice de tous les kilomètres parcourus et à venir.
Bravo Martine, lache pas. Il en faut des perseverants pour motiver les autres!